EDITOR’S NOTE: This is the second in a new series of occasional articles posted in their authors’ original language, essentially to widen our readership but also avoiding any inadvertent misrepresentations due to translation. An English translation is posted lower.
PARIS --- Le programme d’hélicoptère Tigre n'est pas le premier programme d’armement en coopération franco-allemande à encourir les conséquences de l'attitude de l’Allemagne. Il s'ajoute à une liste qui comprend le MGCS (Main Ground Combat System), qui doit remplacer les Leopard 2 et Leclerc comme engin blindé de combat lourd, le SCAF (Système de Combat Aérien du Futur) qui prévoit la mise en service en 2040 d'un nouvel avion de combat avec des effecteurs déportés, l’aviation de patrouille maritime où la perspective du remplacement des Orion allemands et des Atlantique 2 français n’a pas motivé l'Allemagne autrement que pour l'achat de 5 avions P-8 américains (solution bien sur transitoire veut-on nous faire croire, mais une transition à €800 millions l’unité ne peur que durer).
Que se passe-t-il sur le Tigre ? L'Allemagne ne veut pas souscrire à la réalisation du Standard 3 de cet hélicoptère, pourtant objet d'une coopération ancienne puisqu’elle remonte à 1975.
Le Tigre est une machine remarquable, disposant de de moyens modernes et efficaces (viseur optronique, viseur de casque…), d’armements performants (canon de 30mm, roquettes, missiles antichars – Hellfire côté français – et missile air-air Mistral. Les versions françaises de cet hélicoptère sont « combat proven » (en Afghanistan comme au Sahel), contrairement aux versions allemandes.
Le Tigre Standard 3 prévoit le remplacement du missile Mistral par un nouveau missile, l'adoption du missile de Haut de Trame développé à partir du missile terrestre moyenne portée (MMP), et les moyens permettant son intégration dans le système d'information du combat Scorpion - SICS - qui est l'outil numérique des capacités de combat de contact de l’Armée de Terre.
En somme il s'agit de moderniser un appareil qui a fait ses preuves pour le doter d'armements modernes et des capacités d'intégration dans le système global de l'Armée de Terre, qui doit évoluer pour s'adapter aux combats de forte intensité maintenant anticipés par le chef d'Etat-Major des Armées.
Mais cette modernisation n'intéresse pas l'Allemagne, apparemment au motif que la disponibilité des Tigre allemands est mauvaise et qu'il est donc inutile de les moderniser.
Il est vrai que la disponibilité des Tigre allemands est très sensiblement inférieure à celle des aéronefs français. Mais ce qui est certain, vu du côté français, c'est que si la disponibilité du Tigre n’a pas été pleinement satisfaisante, elle s'améliore sensiblement, et surtout le Tigre est un outil indispensable au Sahel.
Et l’on en revient à une considération répétitive pour ce qui concerne la coopération d’armement franco-allemande : les armées françaises emploient opérationnellement, sur le terrain, leurs équipements contrairement aux armées allemandes, d’où des différences majeures d’appréciation du besoin opérationnel et dans le soutien des matériels. Et les rumeurs qui circulent faisant état de demande d'information de l'Allemagne sur l'Apache américain montrent que la Bundeswehr, au lieu de s'attaquer au problème de la disponibilité, préférerait se débarrasser de son problème d’organisation du soutien en s'en remettant une fois de plus à l’acquisition d’un équipement américain, dont le coût à l'heure de vol est très élevé, et dont l’emploi sur le terrain s’avérera certainement être subordonné à des dispositions ou des règles américaines.
Est-ce là le moyen de renforcer une Europe de la défense, ou même de renforcer le pilier européen dans l’OTAN ? Manifestement les visions française et allemande en la matière ne convergent pas.
La décision allemande de ne pas participer au Standard 3 du Tigre aura des conséquences importantes pour l’armée de Terre française : les coûts de développement n'étant plus partagés, le nombre de Tigre pouvant être modernisés diminuera, à enveloppe budgétaire constante ; et l’on sait qu’il est impossible de trouver des marges de manoeuvre dans une loi de programmation contrainte, malgré l’augmentation des dotations annuelles. Cela implique que la valeur opérationnelle du parc français de Tigre diminuera. Pour reprendre une terminologie en cour au ministère des Armées, encore une réduction « temporaire » de capacité…
Il est probable que la position allemande repose, au-delà de la question de la disponibilité du Tigre en Allemagne, sur le fait que le Tigre Standard 3 n'est pas d'un grand apport en termes de compétence pour l'industrie allemande.
Il est certain que le probable retrait de l'Allemagne du Tigre Standard 3 – on ne voit pas la future coalition gouvernementale revenir sur ce point - doit nous inciter, si besoin était, à réfléchir aux conditions de coopération en matière d’armement d’une manière générale, et en particulier sur les programmes MGCS ou SCAF : il est clair qu’il n'y aura pas de garantie de la part de l’Allemagne quant à sa participation dans la durée, aux standards successifs qui marquent la vie d'un système d’armes aéroporté ou terrestre complexe.
Or, sans évolution, un système d'arme peut être très vite déclassé. Cela s'ajoute aux autres considérations qui doivent nous amener à reconsidérer les programmes SCAF et MGCS et la manière de les conduire ; nous y reviendrons.
(ends)